Petite Histoire de France de Jacques Bainville - Mazarin et la Fronde
Cette fois encore, le roi était un enfant. Mais cet enfant devait être le grand roi Louis XIV. Et sa mère Anne d’Autriche devint régente. Et, comme sous toutes les régences, il y eut des troubles dans le royaume.
Il y avait alors un ministre que Richelieu lui-même avait recommandé à Louis XIII. Mazarin était aussi cardinal et il était Italien de naissance. Il avait même gardé l’accent de son pays et il prononçait les u comme des ou et les j comme des z. Ce qui ne l’empêchait pas d’avoir le cœur français et de travailler au bien de la France. On peut seulement lui reprocher d’avoir trop aimé l’argent et les richesses.
Mazarin continua la lutte contre l’empereur allemand. Et il fut aidé par deux grands généraux. L’un s’appelait Condé et l’autre Turenne. Condé, à vingt-deux ans, battit à Rocroi la redoutable infanterie espagnole. Turenne entra victorieusement jusqu’en Allemagne et fit trembler l’empereur, qui finit par signer la paix. Cette paix de Westphalie est la plus glorieuse et la meilleure que la France ait signée, parce que, pendant cent cinquante ans, elle a mis notre pays à l’abri des invasions allemandes.
Mais les Français n’en tinrent pas compte à Mazarin. Ils lui reprochaient d’être étranger. Ils lui en voulaient de faire payer des impôts. Et, un jour, une révolte éclata à Paris. Cette révolte s’appela la Fronde, du nom que portait le jeu favori des petits garçons d’alors, et l’on dit depuis frondes et frondeurs. Pourtant la Fronde ne fut pas tout à fait un jeu d’enfants. On s’y amusa sans doute à faire des mazarinades, c’est-à-dire des écrits injurieux et des chansons contre le premier ministre :
Un vent de fronde
S’est levé ce matin
Je crois qu’il gronde
Contre le Mazarin
Mais cette révolte faillit devenir une révolution. Le Parlement s’en mêla. Des barricades furent élevées dans les rues. Un jour, le bruit ayant couru que la régente allait s’échapper, les insurgés vinrent s’assurer que son fils était toujours là. Le petit roi les vit penchés sur son lit le dévisageant à la lueur des torches. Louis XIV se souviendra toujours de cette nuit-là, comme il se souviendra d’avoir couché dans des draps troués et même sur la paille, à Saint-Germain, lorsque la régente dut fuir Paris.
On se battit encore entre Français, mais dans un tel désordre et avec une telle légèreté, que Condé et Turenne eux-mêmes furent un moment du côté des rebelles. Et ces rebelles n’étaient pas seulement des hommes du peuple, des bourgeois et des juges du Parlement ; c’étaient aussi des princes et des princesses, des grands seigneurs et des grandes dames. Le duc de Beaufort se faisait appeler le roi des Halles. Au combat du faubourg Saint-Antoine, la Grande Mademoiselle, cousine du roi, tira elle-même le canon sur l’armée royale. On jouait à la fronde comme on aurait joué au ballon.
Bientôt les bourgeois se lassèrent de payer les frais du jeu, qu’ils trouvaient de moins en moins amusant. Mazarin, qui avait cru prudent de s’éclipser, revint à Paris. Malgré les mazarinades, il n’avait pas mal travaillé pour la France, puisqu’il avait terminé la guerre avec l’Espagne et signé la paix des Pyrénées, aussi bonne que la paix de Westphalie.
Bientôt Mazarin mourut. Alors Louis XIV devint vraiment roi et un grand roi.