Petite Histoire de France de Jacques Bainville - Louis XIII et Richelieu
Henri IV était mort trop tôt, car son fils, Louis XIII, n’avait que neuf ans. Et il n’y avait pas assez longtemps que l’ordre était rétabli dans le royaume pour que tout le monde consentît à obéir à la régente Marie de Médicis et à son petit garçon. Aussi, comme il était arrivé déjà tant de fois, les seigneurs féodaux se révoltèrent contre le pouvoir royal. Et les protestants, de leur côté, trouvant que l’Édit de Nantes ne leur accordait pas assez, étaient tout près de former une espèce de République, ou, comme on disait alors, un État dans l’État. Il s’en fallut de peu qu’on ne retombât dans les guerres de Religion.
Heureusement Louis XIII rencontra un grand ministre, le cardinal de Richelieu. Et il le garda toujours auprès de lui, malgré les jaloux et les envieux qui essayaient de lui faire croire que le cardinal était plus puissant que le roi.
Richelieu ne voulait que la grandeur de la France, et c’est pourquoi Louis XIII ne consentit jamais à se séparer de lui. Pour que la France fût grande, il ne fallait plus que personne fût indiscipliné. Il n’hésita pas à faire couper la tête aux nobles qui conspiraient. Il envoya même à l’échafaud de jeunes gentilshommes qui, malgré la défense du roi, persistaient à se battre en duel.
C’était la mode du temps et, pour un oui, pour un non, on se donnait de beaux coups d’épée, qui, pensait Richelieu, eussent été mieux employés ailleurs. Deux duellistes furent ainsi décapités, quoiqu’ils fussent de très bonne famille. Richelieu et Louis XIII, pour l’exemple, refusèrent de leur faire grâce, et cette mode meurtrière cessa.
Quant aux protestants, pour les ramener à l’obéissance, il fallu une vraie guerre. Leur place la plus forte était la Rochelle, d’où ils recevaient par mer du secours d’Angleterre. Richelieu alla assiéger la Rochelle et, pour empêcher les navires anglais d’approcher, il fit boucher le port par une digue géante qui demanda de longs mois de travail. La Rochelle dut se rendre, et les protestants se soumirent dans le reste du royaume.
Il était temps, car la France allait courir de nouveau le nouveau le danger auquel elle avait échappé par la défaite de Charles-Quint.
L’empereur germanique redevenait trop puissant et bientôt il serait le maître de tous les pays qui nous entouraient, ayant battu tour à tour ceux qui s’opposaient à sa domination. Richelieu entra dans la lutte à son heure. L’empereur, ayant vaincu les Danois puis les Suédois, croyait écraser sans peine les princes allemands réformés, lorsque la France vint au secours de ceux-ci. Preuve que si Richelieu avait combattu les protestants en France, ce n’était pas à cause de leur religion, mais parce qu’ils s’étaient révoltés.
L’empereur d’Allemagne sortait de la maison d’Autriche comme Charles-Quint, et tout le monde en France comprit que la lutte qu’entreprenait Richelieu était une grande lutte nationale. Le danger fut bien senti le jour où les Espagnols arrivèrent jusqu’en Picardie. Mais nos généraux repoussèrent peu à peu l’ennemi jusqu’au milieu de l’Allemagne.
Du reste, le cardinal n’avait pas recours seulement à la guerre, mais aussi à l’adresse. Aidé de son confident, le père Joseph, qu’on appelait son Eminence grise, il joua tous les mauvais tours qu’il put. Un jour l’empereur en colère finit par s’écrier « Un pauvre capucin a mis dans son capuchon six bonnets d’Electeurs ! »
Quand Richelieu mourut, la maison d’Autriche était bien près d’être vaincue. Le cardinal avait tenu la promesse qu’il avait faite à Louis XIII, celle de défendre la France et de la rapprocher des anciennes limites de la Gaule, ce qu’il appelait rendre « notre pré carré ». A son lit de mort, Richelieu répondit à son confesseur qui lui demandait s’il pardonnait à ses ennemis :
« Je n’en ai jamais eu d’autres que ceux de l’état. »
Louis XIII mourut six mois après son ministre, le plus grand peut-être que la France ait eu. On eût dit que tous deux étaient inséparables.