Il fallait bien tout de même que quelqu’un commandât. Et, dans la partie de la France qui se nommait l’Austrasie, il y avait un maire du palais, obéi et réputé, de la famille duquel allaient sortir les nouveaux rois et le plus illustre d’entre eux, Charlemagne, empereur.
Du reste, si les ducs des Francs (c’est le titre qu’ils avaient pris) devinrent des rois, ce fut, comme Clovis, à cause des services qu’ils avaient rendus à la France.
L’un d’entre eux, qui s’appelait Charles, la sauva d’une invasion presque aussi terrible que celle des Huns. De bien loin, plus loin que la mer rouge, arrivaient à travers l’Espagne, qu’ils avaient conquise, les Arabes ou Sarrasins, montés sur leurs chevaux rapides. Ils se disaient les envoyés d’Allah et de Mahomet son prophète et ils voulaient que tous les vaincus se convertissent comme eux à la religion musulmane.
Ils étaient déjà remontés très haut en France, semant l’effroi et rompant les têtes avec leur cimeterre, lorsque le duc Charles marcha à leur rencontre. La bataille, qui fut épouvantable, eut lieu près de Poitiers. A la fin, les musulmans furent mis en déroute, laissant des monceaux de morts. Charles frappa si bien et si dur, comme un véritable marteau, qu’il en garda le surnom de Charles Martel.
Son fils Pépin, qu’on appelait le Bref parce qu’il était de petite taille, était aussi un rude soldat. Un jour, tandis qu’il était occupé au loin à combattre les Allemands, toujours mauvais voisins et pillards, il apprit que beaucoup de gens allaient disant en France qu’un homme pas plus haut que ça ne pouvait pas être un chef. Etant rentré de la guerre, victorieux comme d’habitude, il ordonna, en présence de ceux qui s’étaient moqué de lui, d’amener un taureau furieux et un lion féroce. Le lion ayant saisi le taureau par le coup et l’ayant jeté à terre, Pépin dit alors à ceux qui l’entouraient :
« Allez et délivrez le taureau ou bien tuez le lion. »
Et comme tous se regardaient effrayés en déclarant que c’était une chose impossible, Pépin tira son épée, et, d’un seul coup, trancha la tête du lion et celle du taureau. Alors, remettant son glaive au fourreau, il leur dit :
« Vous semble-t-il maintenant que je puisse être votre seigneur ? N’avez-vous donc jamais entendu raconter comment David enfant vainquit le géant Goliath et comment Alexandre, qu’on appela le Grand, bien qu’il fut aussi court que moi, traita ses généraux qui le dépassaient tous de la tête ? »
A ces mots, les moqueurs tombèrent à genoux en s’écriant :
« A moins d’être fou qui se refuserait à reconnaître que vous êtes seul digne de nous commander tous ? »
C’est ainsi que Pépin devint roi. Et il eut un fils, dont le règne fut tellement glorieux, que tous ceux de sa famille voulurent être dit descendant de Charles et, pour cette raison, s’appelèrent Carolingiens. Mais lui les domine tous. C’est pourquoi il fut Charles le Grand, Charlemagne.