Quand Charles parut, tous les barbares et tous les ennemis de la France tremblèrent. Il battit les Avars, qui étaient des sortes de Huns, et il enleva la couronne de fer au roi des Lombards, qui s’étaient emparés de l’Italie. En Allemagne, il écrasa les Saxons. Et comme ils s’obstinaient à adorer leur Dieu Odin, Charlemagne, parfois violent et dur comme on l’était de son temps, ordonna que tous ceux qui ne voudraient pas recevoir le baptême auraient la tête tranchée. Alors ils se convertirent presque tous à la religion du Christ.
Charlemagne régnait, bien au-delà du Rhin et des Alpes, sur près d’une moitié de l’Europe. Son royaume était presque aussi grand que l’avait été l’Empire romain. C’est pourquoi le titre de roi ne lui suffit plus, et il reçut celui d’empereur.
Je ne vous donnerai pas beaucoup de dates dans cette histoire. Mais apprenez celle-ci, qui est facile à retenir. En l’an 800, le jour de Noël, dans l’église Saint-Pierre de Rome, le pape posa la couronne impériale sur la tête du fils de Pépin. Plus tard cette couronne sera prise par des princes allemands, qui, jusqu’à nos jours, se la disputeront entre eux.
Charlemagne, l’empereur à la barbe fleurie, était respecté de tous. A sa cour d’Aix-la-Chapelle, il recevait des ambassadeurs des pays les plus lointains. Un jour, le calife Haroun-al-Rachid, dont vous avez peut-être entendu parler dans les contes des Mille et une nuits, lui envoya un éléphant et une horloge sonnante, chose qui était alors inconnue chez nous.
Charlemagne n’était pas occupé seulement à faire la guerre. Il s’appliquait aussi à gouverner sagement. Il n’aimait ni les ignorants ni l’ignorance et il s’entourait d’hommes savants comme Alcuin. Et, les études étant depuis longtemps délaissées, il voulut que les enfants allassent à l’école. Souvent, suivi de son ministre Eginhard, il visitait les classes. Il mettait à sa droite ceux qui avaient bien travaillé. Il mettait les autres à sa gauche et les grondait sévèrement, fussent-ils fils de grands seigneurs. En souvenir de cela, la Saint-Charlemagne est devenue la fête des bons écoliers.
Le règne de Charlemagne fut aussi long que glorieux. Et c’est seulement lorsqu’il commença à vieillir que l’empereur connu des jours de tristesse.
Les Sarrasins, battus par Charles Martel à Poitiers, s’étaient retirés en Espagne. Ils tyrannisaient ce pays chrétien et ils inquiétaient nos frontières. Charlemagne résolut de les châtier et il franchit les montagnes avec une armée, accompagné de son neveu Roland.
Roland était le plus brave des guerriers, et, comme son ami Olivier, un véritable paladin. Quand il soufflait dans son cor, on l’entendait à quinze lieues, et son épée Durandal pouvait fendre les rochers.
Mais l’armée de Charlemagne n’était pas assez forte et du battre en retraite.
Roland voulut commander l’arrière-garde, parce que c’était là qu’était le danger. Comme il traversait un défilé étroit, les Sarrasins parurent tout à coup et firent tomber du haut de la montagne d’énormes pierres. Alors Roland, pour appeler du secours, souffla de toutes ses forces dans son cor. Charlemagne l’entendit de loin et dit :
« N’est-ce pas là le cor de Roland ? »
Mais le traitre Ganelon assura que non, car il était secrètement l’ami des Sarrasins. Cependant Roland soufflait de plus en plus fort, tant que les veines de son cou se rompirent, tandis que Ganelon empêchait toujours Charlemagne de revenir sur ses pas pour porter secours à son neveu.
C’est ainsi que périt Roland avec son ami Olivier, et cette histoire, mise en vers par un poète, est devenue une grande chanson que les Français aimaient entendre réciter. Depuis on se souvient toujours de Roland et d’Olivier, preux de Charlemagne, et quand on veut désigner un homme qui trahit ses camarades, on l’appelle Ganelon.
Charlemagne eut une grande douleur de la mort de son neveu. Ganelon fut puni, et les Sarrasins aussi, car, cette fois, une armée assez nombreuse pour les vaincre fut envoyée en Espagne.
Cependant l’empereur devenait bien vieux, et sa belle barbe était toute blanche. Et il avait de grands soucis, car il se demandait ce que son empire deviendrait après sa mort. On raconte qu’un jour, étant sur le rivage de la mer, il aperçut de loin des navires peints en rouge et qui avaient des formes de bêtes de proie. Ces navires portaient des pirates venus des pays du Nord et qu’on appelait Northmans ou Normands. Alors l’empereur versa des larmes amères et il s’écria :
« Tant que je serai vivant, ces pirates du Nord n’oseront pas approcher nos côtes. Mais, après moi, qu’arrivera-t-il à mes peuples ? »